Les premières pluies de septembre qui commencent à pleuvoir au Burundi, annoncent le début de la saison culturale A. Alors que l’agriculture au Burundi est intimement liée à l’usage de l’engrais chimique, ce dernier est subventionné et sa vente monopolisée. Une situation qui n’est pas sans conséquence pour les cultivateurs, et qui pousse notre collègue Francis Cubahiro à prôner la libéralisation de ce secteur.
L’évidence est là. L’utilisation des engrais au Burundi connaît une croissance rapide. Grâce au Programme National de Subvention des Engrais chimiques au Burundi (PNSEB), le volume des engrais minéraux est passé de 7 000 tonnes à 50 000 tonnes entre 2012 et 2017. 
Et malgré cette croissance, avoir de l’engrais à temps pour la saison culturale relève du parcours du combattant. En effet, le commerce des engrais chimiques par des particuliers est interdit au Burundi. Même son importation sans l’autorisation du ministère de l’Agriculture est prohibée. Seule une société semi-publique dénommée FOMI (Fertilisants Organo-Minéraux Industries) a le monopole de production et de commercialisation. Et pour avoir cet engrais, les cultivateurs sont contraints de payer la solde au gouvernement, trois mois avant la saison culturale, via les bureaux communaux.
Face cachée de l’iceberg
En regardant la pointe de l’iceberg avec cette subvention, les prix des engrais chimiques ont baissé. L’engrais FOMI-IMBURA qui coutait 42 695 Fbu coûte 29 000 Fbu, l’engrais FOMI-TOTAHAZA qui a remplacé l’Urée, coûte 26 000 Fbu au lieu de 38 500 Fbu, et l’engrais FOMI-BAGARA  en remplacement du KCL, coûte 26 500 Fbu au lieu de 38 800 Fbu. Quant ’à la chaux agricole, un sac de 50 kg coûte 5 000 Fbu au lieu de 11 500 Fbu.
Et pourtant, les cultivateurs se lamentent dans la partie émergée de cet iceberg de subvention. Richard Bitangumutwenzi de Karusi témoigne : « Il s’est remarqué un retard exagéré dans l’octroi de cet engrais subventionné, ce qui a occasionné la fraude et contrebande où, en cachette, un sac de 50 kg d’engrais coûtait 125 mille Fbu, soit le double du prix de l’engrais subventionné ». 
Même son de cloche pour André Muhizi de Cibitoke. « J’ai cultivé sans engrais lors de la dernière saison culturale, car il y a eu une pénurie d’engrais alors que j’avais payé en avance. Et comme la terre est déjà sensibilisé à l’engrais, j’ai eu une maigre production », explique-t-il.
D’autres cultivateurs comme Antoine de Bugarama, commencent même à douter de l’efficacité de l’engrais FOMI, en le comparant aux engrais qu’ils utilisaient avant le monopole de FOMI.
Pour François Ndayirukiye qui cultive les légumes toute l’année dans les vallées de Mubarazi, il se lamente qu’il enregistre une perte dans sa production, car cet engrais est distribué deux fois seulement l’année et en petite quantité, et manque où s’approvisionner en engrais le restant de l’année.
 Et si le secteur était libéralisé ?
Aujourd’hui, il y a les subventions. Mais, comme le gouvernement n’a pas d’argent à distribuer gratuitement, demain elles pourraient manquer, et les prix vont augmenter. Entre temps, le paysan aura abandonné le fumier, et se retrouvera démuni, appauvri, car ses champs habitués au bombardement par les engrais, ne seront plus productifs. Que feront les cultivateurs ? Ils ne pourront que constater les dégâts de ces subventions après leur suppression.
À part que ces subventions vont être payé par une population pauvre avec un revenu le plus faible du monde, le Burundi ne pourra pas subventionner les engrais chimiques indéfiniment. La meilleure solution est donc la libéralisation du secteur, tout en acceptant la libre-concurrence pour que le cultivateur puisse avoir l’engrais au temps voulu, la quantité voulu autant de fois qu’il veut et avoir le choix du meilleur engrais sur le marché.