Depuis la fermeture des bureaux de change, les banques commerciales n’achètent ni vendent les monnaies de pays limitrophes membres de l’EAC. Selon Claver Banyankiye, cela constitue une barrière non tarifaire pour les commerçants informels transfrontaliers qui en font les frais.

Suite à la décision de la BRB de fermer les bureaux de change, sur la frontière Burundo-tanzanienne, la situation est plus compliquée pour les petits commerçants transfrontaliers informels. Il n’y aucune banque commerciale sur la frontière pour faciliter les changes. Même si elle y serait. Aucune banque commerciale n’accepte recevoir le shilling tanzanien. Jean Claude, commerçant de Gisuru déplore avoir arrêté le commerce transfrontalier. « Je ne peux pas trouver le shilling pour aller m’approvisionner. Or, les commerçants tanzaniens n’acceptent le BIF.» 

Ce commerçant de vaches déplore que les banques commerciales se trouvant à Ruyigi ne vendent ou achètent de shilling. D’après lui, il n’y pas de moyens d’accéder au franc tanzanien. Les bureaux de change sont fermés «Nous sommes obligés de jeter l’éponge.» 

Le manque à gagne est énorme. Ce jeune homme estime qu’il encaissait un bénéfice  variant entre 150.000 et 200 000 BIF par mois. « Ce business était la seule source de survie pour sa famille.», souligne-t-il    

D’après cette même source, les commerçants tanzaniens ne s’approvisionnent plus à Gisuru.  Ces derniers importaient de pomme de terre et de haricots. 

Les commerçants ont jeté l’éponge 

Même son de cloche chez les commerçants transfrontaliers de Kayogoro. Faute des shillings tanzaniens, ces commerçants qui s’approvisionnaient en Tanzanie sont angoissés. L’un des commerçants de Kayongo ne décolère pas : « Même avant la fermeture de frontière à cause de la COVID-19, le marché communément appelé « Kwa Buhinja » ne lui servait rien

Lui et ses collègues ont abandonné ce commerce. Car, explique-t-il, dans ce marché inondé par plusieurs produits tanzaniens, les échanges se faisaient en shilling. 

D’après une source de l’une des  banques commerciales, ces dernières ne peuvent ni acheter ou vendre d’autres monnaies étrangères. Car, la BRB ne les reçoit pas. Cette même source explique qu’il n’y a pas des conventions entre le Burundi et  les pays de l’EAC.

C’est indéniable. Suite aux nouvelles mesures de changes des devises, les petits commerces transfrontaliers sont impraticables surtout avec les pays membres de l’EAC à cause du problème de change de monnaie. Désormais, le shilling tanzaniens et le franc rwandais ne peuvent pas être reçus sur le territoire national. 

Les faits sont têtus.  Les banques commerciales n’achètent ni vendent les monnaies des pays membres de l’EAC.   A mon humble avis, cette mesure constitue une barrière non tarifaire en empêchant les commerçants transfrontaliers à exercer leurs activités.  

La principale source de revenus

Depuis des années, les pays membres de l’EAC sont nettement liés entre elles. Les petits commerçants traversent les frontières d’aujourd’hui pour échanger des biens et des services, donnant lieu à d’importants flux commerciaux. 

Selon l’enquête sur le commerce transfrontalier informel au Burundi 2018, l’analyse des importations informelles par pays d’origine révèle que la Tanzanie vient en tête avec 95,3% du total des importations. Le reste provient de la République Démocratique du Congo (1,8%), du Rwanda (1,6%) et de l’Ouganda (1,2%).  

Les résultats issus de l’enquête révèlent que La Tanzanie et le Rwanda qui détiennent respectivement 43,1% et 0,5% de parts du total des exportations. Le Kenya et l’Ouganda ont en revanche des parts insignifiantes. 

Cette enquête montre que ce commerce améliore les conditions de vie et crée des emplois, y compris pour certaines catégories de population marginalisées ou défavorisées situées sur les frontières. 

Par ailleurs, le commerce transfrontalier  du Burundi avec les pays de l’EAC sont dominés par les produits agro-pastoraux. Selon ce rapport de l’enquête de la BRB 2018,  les importations informelles des produits agricoles s’estiment à 20 687,9 MBIF au cours de l’année 2018, soit 31,7% de toutes les importations informelles. Les données de l’enquête indiquent que les importations des animaux vivants s’évaluent 23 193,0 MBIF, soit 35,6% de toutes les importations informelles.

Il faut négocier la convertibilité des monnaies

En outre, les produits agro-pastoraux constituent par conséquent un facteur essentiel pour la sécurité alimentaire. À de multiples égards, les petits commerces frontaliers  jouent  un rôle crucial pour la prospérité et la réduction de la pauvreté.

De même,  les profits tirés de ces activités servent principalement à couvrir des besoins de première nécessité tels que l’alimentation, la santé ou la scolarisation. Ainsi, les revenus tirés du commerce transfrontalier sont souvent la principale source de revenus des ménages des provinces frontaliers. 

Pour le moment, les petits commerçants qui ont la volonté de développer leur activité  se heurtent à cette barrière non tarifaire. Les vies des milliers de familles souffrent car les petits commerçants de Gisuru ou Kayogo  ne devraient pas avoir du dollar et d’euro s’approvisionner en Tanzanie. Il faut que le gouvernement prenne des mesures urgentes pour supprimer cette barrière non tarifaire. La BRB devrait négocier avec nos pays voisins la convertibilité de leur monnaie.