Le 19 juillet, les motocyclettes appelées « Jeho Kuki » ont été interdits de circuler au cœur de la capitale économique Bujumbura, après 18h. La raison avancée fut la sécurité. Peut-on assurer la sécurité des Burundais sans porter atteinte à leur liberté ? Cette question taraude  notre collègue  Painette Niyongere. Analyse.

La récente interdiction de petites motocyclettes « Jeho kuki » au centre-ville de Bujumbura, entravant la libre-circulation au nom de la sécurité publique, n’est pas un cas isolé. Il y a quelques mois, le 20 mai, la liberté d’expression a été bafouée via la coupure d’internet le jour du triple scrutin électoral, au nom de la sécurité. Même avant, en 2016, le maire de Bujumbura avait interdit la circulation des taxi-motards et vélo au centre-ville de Bujumbura. Cette interdiction avait été levée dernièrement au cours de la campagne électorale, avant d’être appliquée de nouveau après les élections de 2020. Un coup porté aux libertés individuelles des Bujumburais.

Motivé par la citation de Benjamin Franklin : « Celui qui sacrifie sa liberté à la sécurité, ne mérite ni l’une, ni l’autre et finit par perdre les deux », j’ai approché un cadre de la police au sien du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique. Ce dernier, très intelligent, m’a sorti la phrase d’Henri Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Ce haut gradé de la police m’expliquait la contradiction entre la fin de l’État qui est la sécurité et la liberté. Pour lui, la liberté dans le sens de faire tout ce que l’on veut ne protège pas, et explique que c’est pour cela que l’État réduit cette liberté, pour mieux protéger les citoyens.

Où est la réalité dans tout cela ?

L’évidence est là. Entre sécurité et liberté, les rapports sont par nature ambigus. L’histoire de ce bafouement des libertés individuelles au nom de la sécurité en témoigne. C’est vrai, on ne peut pas jouir de la liberté dans un état d’insécurité. La sécurité garantit la liberté. Mais, l’état d’insécurité ne doit pas mettre fin à l’état de droit.

Contrairement à ce qu’il a avancé ce haut gradé de la police, tenants de la « hiérarchie des normes », la loi n’est pas la source du droit, elle n’a d’autre vertu que de traduire le droit en dispositions concrètes. Frédéric Bastiat, pionnier du libéralisme, dénie au législateur le pouvoir de changer le droit. Quel est le danger ? « La loi n’est plus le refuge de l’opprimé, mais l’arme de l’oppresseur. La loi n’est plus un bouclier, mais une épée ». C’est ce que nous a valu l’État-Providence, en entravant nos libertés, au nom de la sécurité.

De ma part, sécurité et liberté ne devraient pas aller l’une sans l’autre. La sécurité apportant à la liberté les conditions de son bon exercice, et la liberté conférant en retour à la première sa raison d’être. Sans sécurité, la liberté reste nominale, et sans liberté, la sécurité vire à l’ordre des cimetières.