Au Burundi, le commerce transfrontalier est un commerce informel. Pour notre collègue Romaine Bukuru, plusieurs défis maintiennent ce commerce dans la clandestinité, et le régulariser pourrait stimuler la prospérité tout en améliorant les perspectives d’avenir pour les femmes.
Le commerce transfrontalier est souvent qualifié de « camelodrôme ». Il concerne toutes les marchandises entrant ou sortant du pays (non ou partiellement déclarées sur les documents douaniers) sur les sites frontaliers, mais non saisies par les autorités fiscales, et souvent en de petites quantités. Les chiffres en témoignent. En 2018, selon l’étude sur le commerce transfrontalier informel au Burundi, les exportations informelles ont été portées à plus de 27 milliards contre 8,6 % des exportations formelles, et les importations informelles à plus de 65 milliards contre 4,6 % des importations formelles. Dominé par le sexe féminin à 80 %, ce commerce transfrontalier est une source d’emplois pour beaucoup de femmes et de jeunes.
Hélas, ce commerce reste une activité à petite échelle et informel. Les personnes impliquées dans ce commerce n’ont pas accès aux licences commerciales, aux techniques administratives et aux informations sur les lois liées aux taxes douanières et aux normes d’importations, tout cela parce que les dirigeants burundais ont longtemps ignoré le rôle de ce petit commerce transfrontalier.
Au poste frontalier : le jeu du chat et de la souris
Les commerçants transfrontaliers sont sommés de payer des frais administratifs élevés, alors qu’ils ne possèdent pas de grand capital. Avec le niveau élevé des droits de douane, la complexité des formalités de dédouanement et la lourdeur des exigences documentaires, ils leur est ainsi difficile de commercer en passant par les postes-frontières officiels, et sont qualifiés de criminels ou de clandestins, ce qui « nous rend particulièrement vulnérables aux abus, à la corruption et au harcèlement des fonctionnaires des douanes, de l’immigration ou forces de police », souligne Aimable, commerçant transfrontalier à Gatumba.
Et pour ceux qui empruntent les postes frontaliers officiels, comme la commerçante Jeanne Ndorere au poste frontalier de Kobero, la méconnaissance des lois et règlement de ce commerce font que les fonctionnaires des douanes en profitent dans certains cas pour les demander de payer des droits sur des marchandises qui ne devraient pas en faire l’objet, voire d’exiger des pots-de-vin. D’où, ce petit jeu du chat et de la souris.
Que faire pour sa formalisation ?
Pour que le Burundi puisse exploiter tout le potentiel du commerce transfrontalier, le gouvernement a besoin de faire davantage d’efforts pour reconnaître son importance pour le développement du pays, s’assurer que les règles et réglementations applicables sont claires, transparentes et largement disponibles aux frontières. Il faut aussi simplifier les documents commerciaux et les obligations réglementaires, accentuer la formation et le renforcement des capacités des commerçant.e.s, lutter contre les risques auxquels les petits commerçant.e.s sont confrontés dans leurs activités commerciales, qui sont généralement bien plus importants que ceux auxquels les grands commerçants, mieux connectés, sont exposés, et reconnaître la place importante des femmes dans le commerce transfrontalier, en s’efforçant d’éliminer les contraintes liées au genre.
En le formalisant, le Burundi en sortira gagnant, avec une plus grande sécurité alimentaire, une accélération de la création d’emplois, une réduction de la pauvreté, des recettes fiscales plus élevées pour les pouvoirs publics et de meilleurs résultats en matière de développement à long terme.