Face à la persistante pandémie de coronavirus, les gouvernements de l’EAC ont sorti le 25 mars 2020 un communiqué conjoint appelant à des mesures strictes prônant les restrictions provisoires (sauf quelques exceptions) des mouvements de personnes aux frontières. Si cette décision ne concerne pas la libre circulation des biens et services, notre collègue Patient Muzima estime qu’elle n’est pas sans entraver l’activité des petits commerçants transfrontaliers.
Une précision d’abord pour se faire une idée de l’impact de la pandémie sur le commerce, celui transfrontalier. Au Burundi, ce petit commerce transfrontalier a pesé pour plus de 92 milliards de Fbu en 2018, selon la BRB. Et comme cela peut se remarquer avec la première enquête sur le commerce transfrontalier réalisé par la BRB en collaboration avec l’Isteebu sur tous les sites frontaliers du pays, la RDC constitue le plus grand marché d’écoulement bien que dans cette enquête, c’est en Tanzanie que petits commerçants s’approvisionnent essentiellement en Tanzanie.
Concrètement donc, les échanges avec RDC constituent un peu plus 56% du marché. Vient ensuite la Tanzanie avec 43% des parts tandis que ces échanges représentent des parts relativement insignifiantes. Les autres pays de l’EAC (le Rwanda, le Kenya et l’Ouganda) représentent des parts de marché relativement insignifiantes.
Voilà donc, le décor du commerce transfrontalier planté, ça permet de se faire une idée de l’activité économique touché par le Covid. Et le problème est réel à en croire les informations qui nous viennent des postes frontaliers.
C’est une réalité, l’activité économique est perturbée.
Célestine est un jeune homme habitant au centre de Rugombo en province de Cibitoke. Il tourne un petit commerce informel et fait régulièrement ses navettes entre Ruhwa, le poste frontalier et Bukavu en passant par le Rwanda. Cela, trois fois par semaines. Ce petit commerce en question, c’est en fait … Mais depuis que le fameux virus est là, tout a basculé. Rien n’est plus comme avant. Toute sa petite activité entrepreneuriale comme il l’appelle lui-même, s’est arrêté. Il est obligé de ne se fier que du seul marché burundais, ce qui est loin de suffir pour nourrir sa famille. En attendant, « je prie pour que ce maudit virus disparaisse pour reprendre mes activités », confie cette maman de trois gamines.
Autre province, même soucis. James est un jeune fraichement sorti de l’université. Habitant au centre communal de Mabanda où il travaille comme cambiste. A Mabanda ou au poste frontalier de Mugina, il passe (ou il passait) son temps à échanger le Shilling tanzanien en franc burundais et vice-versa. Mais comme pour Célestine, le coronavirus est venu comme pour gâcher son commerce. Cela parce que depuis les directives de l’EAC, « presque aucune entrée et sortie au poste de Mugina alors qu’avant, avec le mouvement régulier des biens et des personnes, les affaires fleurissaient. Et je gagnais relativement bien ma vie avec une marge bénéficiaire de 20 mille par jour».
Pour une riposte adaptée.
On le voit donc, le coronavirus est venu comme pour mettre un coup d’arrêt au commerce en général et le commerce transfrontalier plus particulièrement. Ces deux cas qui sont loin d’être isolés sont là pour nous l’attester.
L’occasion pour moi d’appeler les Etats ou l’EAC d’ailleurs à arrêter des mesures pour la résilience et sauver du coup l’économie des pays membres. S’il est vrai que cette pandémie est à bannir, le fait est que les mesures de riposte devraient être adaptées et tenter de voir quelles alternatives prendre. Des alternatives pour faire à ce qu’il n’y ait pas de contamination mais aussi à ce que le mouvement des biens et des personnes ne s’arrêtent pas.