Une note du 2 juillet 2020 par le ministère de la Santé publique, suspend l’ouverture de nouvelles pharmacies au Burundi. Cette suspension a interpellé notre collègue Francis Cubahiro, qui analyse la libéralité de la loi portant organisation de l’exercice de la pharmacie, pour voir qu’elle s’inscrit à la politique de santé à long terme comme le prône la campagne Kanguka.

La pharmacie est l’un des piliers majeurs dans la gestion des épidémies, via la disponibilité et l’accessibilité des médicaments. Pour y arriver, la loi sur l’exercice de la pharmacie doit être la plus libérale possible. Ce qui n’est pas le cas au Burundi avec l’actuelle loi sur l’exercice de la pharmacie. Tenez :

De un, la loi est trop réglementée

Pour ouvrir une pharmacie, il faut que la pharmacie dispose d’un responsable technique ayant un grade de pharmacien. Or, au Burundi, un seul institut à savoir l’INSP, dispose la faculté de Pharmacie avec une capacité d’accueil limitée. Une entrave dans l’exercice de la pharmacie.

En plus, ladite loi exige que la distance entre deux officines pharmaceutiques soit au moins de 2 km en milieu rural et 500 mètres en milieu urbain et semi-urbain. Une réglementation qui empêche la libre-concurrence dans l’exercice de la pharmacie.

De deux, les frais et le temps handicapent

Les frais et le temps pour l’ouverture d’une pharmacie sont une autre barrière. Selon un pharmacien qui œuvre à Gitega, l’agrément de sa pharmacie au ministère de la Santé lui a coûté 6 millions BIF. Une somme foraminée qui limite les petits entrepreneurs qui aimeraient s’investir dans ce secteur.

Après, il faut avoir la permission d’ouverture, qui s’obtient après plusieurs inspections de l’inspection générale de la santé publique, via celle du département des pharmacies et du médicament et celle du district sanitaire. « Plus les inspections sont nombreuses, plus ils ouvrent la voie à la corruption qui est le pire obstacle » explique le pharmacien, avant de renchérir que ça lui a pris trois mois pour l’ouverture de sa pharmacie.

Et pour les pharmacies grossistes, l’entrée des médicaments est sous le joug de plusieurs réglementations. Ayant le certificat d’importation de la CAMEBU, l’autorisation pour importer prend au moins une semaine. À l’arrivée des médicaments, le département des pharmacies et des médicaments du ministère de la santé, en collaboration avec l’OBR prend encore aune autre semaine pour le contrôle. Après, il y a un autre contrôle de qualité qui se fait au niveau du laboratoire de l’INSP. Tout cela prend presque un mois selon un pharmacien d’une des pharmacies grossistes. 

De trois, le prix des médicaments n’est pas libéralisé

Avec cette loi, il n’est pas autorisé aux grossistes de posséder une pharmacie détaillant. Cela handicape les pharmacies détaillants puisque ces grossistes alimentent la spéculation sur le prix des médicaments en approvisionnant leurs propres pharmacies à des prix relativement bas par rapport aux détaillants, ce qui entrave leur commerce pharmaceutique. De plus, au cours de l’importation à l’OBR, le gouvernement applique 15 % au secteur privé par rapport au secteur public, ce qui entraîne une concurrence déloyale. 

La nécessité de la révision du décret régissant l’exercice des pharmacies au Burundi, vieille de 40 ans, est primordiale, pour libéraliser le prix des médicaments, instaurer une institution autonome pour réduire le processus d’importation et d’analyse, et rendre loyale la concurrence entre secteurs privé et public.