Le 5 juin, le plan burundais de riposte du Covid-19 vient d’être présenté par le ministère de la Santé publique. Dans le cadre de la campagne Kanguka, notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira a approché certains médecins et infirmiers, pour analyser les défis et l’efficacité de ce plan national de riposte.

Avec ces 40 nouveaux cas positifs au Covid-19, le virus presse le pas au Burundi, à la vitesse d’un cheval au galop. Avec 6 cas le 20 avril, ils se sont multipliés par 24 fois en seulement deux mois avec 144 cas le 20 juin 2020. 

Malgré cette montée en chiffres, il y a deux semaines, le plan national de riposte est là. Entre autres grandes lignes de ce plan, il y a décentralisation des centres de dépistage avec 26 nouveaux laboratoires, libéralisation du service du centre des opérations d’urgence publique, rendre plus actif et accessible le numéro vert 117, amélioration de la protection du personnel soignant et révision du système de référence et contre-référence des patients. Une lueur d’espoir pour contenir la progression de la pandémie, si toutes les directives sont bien mises en œuvre.

Le bémol

D’un, aujourd’hui, deux semaines après la mise sur pied de ce plan de riposte, la décentralisation du dépistage peine à entrer en vigueur sur le terrain. « Aucun hôpital de l’intérieur du pays n’a effectué son premier dépistage », confie deux médecins d’un des hôpitaux de district à Rumonge et Ngozi, où des cas de Covid-19 viennent d’être signalés. Pour eux, c’est un défi énorme. Et d’ajouter « Bien que le scanner thoracique permette désormais d’avoir une idée de la pathologie du patient, c’est une lacune énorme, car seulement trois hôpitaux en disposent au Burundi, sur les 43 hôpitaux que disposent le pays ».

De deux, selon deux infirmiers de l’hôpital de Giteranyi et Mutaho, le plan national de riposte ne préconise pas les unités de transit pour les patients avec des signes éloquents de la Covid-19. Allusion aux blocks que l’hôpital Militaire de Kamenge a aménagés en pareilles circonstances. Pour eux, c’est une faille importante qui peut accroître la contamination en milieu de soins. Plus important, demandent-ils, il est plus qu’urgent que le gouvernement rende le port du masque obligatoire, ne fût-ce que dans les endroits susceptibles de rassembler beaucoup de monde.

De trois, ne transférant que les cas compliqués, les hôpitaux de l’intérieur du pays sont appelés à traiter au cas par cas en fonction de la suspicion. Ce qui n’est pas une bonne politique de santé. À bien d’égards, reconnaît un médecin de l’hôpital Gisuru, la directive sera difficile à mettre en œuvre, vu « qu’ils sont peu les hôpitaux suffisamment équipés, même pour faire le diagnostic du Covid-19 via la radio du thorax », explique-t-il.

De quatre, l’équipement des hôpitaux et la libéralisation du dépistage du Covid-19 doivent être vite effectifs. Et pour y arriver, les moyens financiers sont nécessaires.  Malheureusement, à la lecture du Budget national 2020-2021, aucun montant n’a été alloué à la lutte contre la pandémie de Covid-19 au Burundi. Une chose étrange dans un pays classé parmi les pays de Priorité 3, dont le risque est très élevé. Un tir à rectifier.

De mon point de vue, vu tous ces défis, il est préférable de surestimer le problème que de le sous-estimer. Le mieux serait d’aller à la vitesse supérieure, en misant sur des réformes de la politique publique de la santé à long terme.