Pratiqué à 80 % par les femmes, le commerce transfrontalier est une réalité au Burundi. Tout en jouant un rôle fondamental dans la réduction de la pauvreté, ce commerce fait face à plusieurs défis au Burundi. Coup de projecteur avec notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira.
Dès l’aube, d’innombrables commerçant.e.s franchissent quotidiennement les frontières burundaises, pour vendre leurs produits ou leurs services dans les pays limitrophes. Selon l’enquête sur le commerce transfrontalier informel au Burundi, le flux des échanges en 2018 a dépassé 92 milliards de Fbu.
Au-delà des chiffres
La réalité va au-delà des chiffres. Les revenus générés par ce commerce jouent un rôle clé dans la création de la prospérité et de la réduction de la pauvreté dans les zones frontalières. Ce commerce contribue aux revenus des ménages, améliore les conditions de vie et crée des emplois, y compris pour certaines catégories de population marginalisées ou défavorisées.
Au-delà encore, ce commerce contribue à encourager la solidarité entre les communautés frontalières et favorise par conséquent la paix et la stabilité. Certaines données montrent qu’en contribuant aux revenus du ménage, il favorise l’autonomisation des femmes au sein du foyer, ce qui accroît leur rôle dans la prise de décision et conduit à des dépenses accrues pour une alimentation plus variée et de meilleure qualité, réduisant ainsi les taux de malnutrition infantile et améliorant la fréquentation scolaire.
Le bémol
Malgré tous ces bienfaits, Immaculée Nsengiyumva, secrétaire générale de l’Association des Femmes Entrepreneurs du Burundi témoigne que les petits commerçant.e.s se heurtent à des difficultés considérables pour parvenir à mener leur activité.
Premièrement, ces commerçant.e.s transfrontalier.e.s sont limités par la complexité des formalités de dédouanement, la lourdeur des exigences documentaires, le manque d’accès aux capitaux, la corruption, la connaissance restreinte des procédures commerciales ainsi que par la distance qu’ils peuvent parcourir au-delà de la frontière, pour des raisons réglementaires ou logistiques, du fait par exemple des moyens de transport disponibles.
Deuxièmement, peu de petit.e.s commerçant.e.s disposent de comptes bancaires leur permettant d’obtenir ne serait-ce qu’un prêt bancaire. En plus, la majorité d’entre eux ou elles sont partiellement ou complètement analphabètes, ce qui les empêche de lire, comprendre et remplir les nombreux formulaires, et satisfaire aux autres formalités exigées aux frontières.
Troisièmement, ces difficultés sont particulièrement ressenties par les femmes, qui ont encore plus de mal à supporter le harcèlement, obtenir des financements et ne sont souvent pas prises en compte lors des formations de renforcement des capacités, car leurs horaires ne sont souvent pas adaptés à leurs contraintes familiales et commerciales.Tous ces obstacles expliquent pourquoi dans le rapport Doing Business 2019, le Burundi occupait la 166ème place, très loin en fin de classement, dans la facilité des échanges transfrontaliers. C’est dans ce cadre que le Centre For Development and Enterprises Great Lakes a lancé la campagne FUNGUA NJIA, qui vise à réduire toutes les réglementations sur le commerce transfrontalier, afin d’atteindre le statut de pays qui favorise des politiques de libre-échange.