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La forme la plus élevée de liberté économique permet une liberté totale de mouvement pour les capitaux et biens. Elle permet aussi une absence totale de contrainte sur la liberté d’entreprendre, et surtout, elle allège la fiscalité. Mais alors, que dire du système fiscal burundais? Analyse de notre collègue Kelvin Ndihokubwayo.
En 2019, le Burundi est classé 162 ème au rang mondial et 39 ème au rang régional selon l’indice de liberté économique, avec un score de 48.9/100—ceci, alors qu’en 2018, il occupait le 157 ème rang mondial et 37 ème au niveau africain avec un score de 50.9. Constat : cette liberté va en decrescendo, du moins si l’on considère cet indice qui classe les nations sur dix critères généraux de liberté économique.
Parmi ces critères, intéressons-nous sur deux indicateurs « poids des taxes et impôts » et « fraude et corruption ». Selon Adam Smith : « tout impôt doit être conçu de manière qu’il fasse sortir des mains du peuple, le moins d’argent possible au-delà de ce qui entre dans le trésor de l’Etat ».
Analysons alors si le système fiscal burundais obéit à ce principe en vue d’une liberté économique source d’amélioration du climat d’affaires et de la promotion des investissements.
Trop d’impôt tue l’impôt
Au Burundi, le budget global pour l’exercice 2019-2010 s’élève à 1.516,4 milliards de FBU et près de 83% du budget seront financés par des ressources internes.
Il semble donc clair qu’atteindre ce quota nécessite un élargissement de l’assiette fiscale, ce qui n’est pas sans entraver la liberté économique. Par exemple, les Burundais doivent payer des impôts sur tout revenu généré à l’étranger. Ce changement a un impact négatif sur le milieu des affaires.
Les membres de la diaspora qui ont un compte bancaire au Burundi seront tentés de déplacer leur argent vers des pays voisins, et cela au détriment des finances nationales.
La décision de taxer les revenus des Burundais émanant de la diaspora met en péril une source financière qui contribue à la réduction de la pauvreté et bloque la liberté économique en entravant la liberté du mouvement des capitaux.
Comment ce système fiscal menace la liberté économique ?
La collecte d’impôts revient à l’office burundais des recettes et aux communes. Et une loi fiscale mise en place en 2016 détermine les limites de compétence en précisant les impositions qui reviennent au trésor public et ceux qui reviennent aux communes.
Néanmoins, les micro-contribuables sont exposés dans la pratique au risque de double imposition. A côté de l’imposition gérée par l’OBR, ils sont soumis au paiement de la taxe forfaitaire en faveur des communes conformément à l’art.76 de la loi sur la fiscalité communale. Quid de ces ressources monétaires dépensées par le contribuable pour arriver à être en conformité avec la loi fiscale ? Un contribuable dépense nécessairement un montant qui va au-delà de celui demandé par l’Etat et perd du temps en effectuant différentes procédures liées au recouvrement. Nonobstant, ces procédures administratives sont trop longues au niveau de la vérification découlant de la lenteur dans le traitement des dossiers.
Ce scenario ne fait qu’augmenter les coûts, haussant par ricochet le poids de l’imposition souvent source de l’informel. Pour éviter cela, l’Etat devrait tenir compte de ces coûts en vue de concevoir un système fiscal au moins rationnel.
Soulignons aussi l’absence d’affichage des tarifs douaniers. La raison est un logiciel informatique qui coûterait trop cher. Pour s’adapter, l’OBR a opté pour travailler avec des déclarants. Passer par ces derniers ne fait qu’augmentent les probabilités de corruption en doublant ainsi le poids de l’imposition.
Comment relever ces défis ?
Malgré les efforts déjà fournis dans l’intention du dialogue secteur public-privé et de la mise en place de la plateforme CFCIB-OBR 2017, il apparaît que l’Administration fiscale conserve en réalité le monopole de l’élaboration, de l’application et de l’interprétation des textes fiscaux. C’est pourquoi, un partenariat effectif pour la codification de la législation fiscale serait salutaire.
Aussi, le gouvernement et l’OBR doivent faire face aux défis concernant l’impôt des petits commerçants et des entreprises informelles car ceux-ci représentent une majorité de Burundais. Au lieu de se soucier de l’élargissement de l’assiette fiscale, le mieux serait que l’OBR soit sensible aux réalités économiques.
Bref, il faut des réformes visant la réduction de la pression fiscale. Et en vue de la réussite de ces réformes, tous les intervenants devraient agir de concert dans l’objectif de mobilisation des recettes. Ils devraient aussi œuvrer pour la promotion du secteur privé, du respect des droits et garanties du contribuable. Et le Burundi devrait capitaliser sur les bonnes pratiques et l’expérience des pays avancés en matière fiscale.