S’il y a un défi auquel les entreprises burundais font face, c’est bel et bien le manque des devises. Cette pénurie entrave les activités entrepreneuriales et rend défavorable le climat des affaires au Burundi. Notre collègue Franck-Arnaud Ndorukwigira parle d’un défi qui devrait être relevé à tout prix pour l’intérêt général.  

Selon les rapports trimestriels de la politique monétaire de la banque centrale, les réserves en devises ont fortement diminué ces quatre dernières années. Elles sont passées de 317,26 millions USD en janvier 2015 à 59,3 millions USD en septembre 2018. Cette diminution a entraîné dans sa chute, le taux de couverture des importations des biens et services qui est passé de 4,1 mois à 0,8 mois. 

Malgré cette baisse, il n’y a même pas d’espoir de voir la situation se redresser. Le pays n’espère ni augmenter, ni maintenir la quantité de devises qu’il détient. 

En effet, pour l’année budgétaire 2019/2020, les projections «réserves officielles de change» n’apparaissent nulle part dans le projet de loi des finances adoptée le 29 mai par l’Assemblée nationale. Ce qui signifie que l’Etat ne prévoit mettre aucune devise dans son coffre.   

Les entreprises asphyxiées

Ce mouvement spéculateur, couplé avec l’absence des réserves de change dans la loi des finances 2019/2020, constitue une source d’incertitude pour les entreprises burundaises. Déjà, les restrictions dans l’accès aux devises les affectent lourdement. Pas mal d’entreprises éprouvent des difficultés à s’approvisionner en équipements ou en matières premières.

L’exemple est la Brarudi. Par manque de devises, l’entreprise peine à s’approvisionner en matières premières, et par conséquent certaines boissons comme Amstel bock disparaissent. 

Même son de cloche pour Albert, commerçant grossiste de Ngozi. Voulant se rendre à Mombassa pour récupérer ses importations, il se plaint que la banque n’arrive pas à lui procurer les devises nécessaires. «On m’a expliqué que les devises disponibles sont privilégiées pour le carburant et les médicaments, oubliant qu’il y a d’autres besoin d’investissements », se désole-t-il.

Albert indique qu’au moment où il y a pénurie de devises à la BRB, le peu dont dispose le marché noir parallèle devient cher. « Quand les investisseurs exportent les produits, on nous impose le taux de la BRB, mais quand nous avons besoin des devises pour investir, nous devons faire recours au marché noir, ce qui est problématique», explique-t-il, soulignant que le taux de change du dollar au marché noir est de 3.050 Fbu contre 1.842 Fbu à la BRB, soit un écart différentiel énorme de presque 1.208 Fbu.

Piste de solutions

Le défi est primordial. Face à cette pénurie, ce sont ces entreprises qui doivent subsister et résister, alors que ce sont elles, en grande partie, qui fournissent les recettes fiscales nécessaires au fonctionnement de l’Etat.

Dr Salomon Nsabimana est spécialiste en macroéconomie. Selon lui, pour palier ce défi à court et moyen terme, il faudrait créer un environnement attractif, permettant aux investisseurs et bailleurs d’amener les devises dans le pays et surtout de  gérer de façon optimale la quantité de devises qui restent sur le marché en ces temps difficiles. Cela suppose le dialogue entre acteurs concernés (BRB, banques commerciales, échangeurs, etc). 

Et sur le long terme, le spécialiste conseille l’augmentation des produits d’exportations, tout en diversifiant les secteurs et produits qui peuvent générer des devises.